La chambre noire Bernadette Richard

Coup de cœur

Lecteurs et lectrices de témoignages, celui-ci en est un qui ne vous laissera pas indemne. Un récit largement inspiré du vécu de l’autrice, enfant battue à la Chaux-de-Fonds, dans le Jura suisse des années 1950-1960. Une lecture qui laisse des traces, au cœur et à l’âme.

On suit l’histoire de Carmen qui revisite son enfance du haut de son regard d’adulte. Carmen qui aurait dû s’appeler « Mercedez avec un Z », mais que son père n’aurait jamais prénommée de la sorte, incapable qu’il était de pouvoir s’en offrir une, lui petit ouvrier travaillant dans l’automobile et aimant les belles carrosseries. Sa femme ne fait pas exception à cet attrait, belle blonde à l’apparence gracile, toujours bien apprêtée, maquillée et habillée même quand la famille s’agrandira en donnant à Carmen plusieurs frères et sœurs compagnons de malheur et que les moyens viendront à manquer.

Cette mère qui consacre une attention particulière à son apparence, se montrant ravissante sous toutes les coutures hors des murs et en présence de ses amies, se transforme en tortionnaire une fois les portes et fenêtre closes.

Carmen, première née en fera particulièrement les frais. Giflée, battue à coups de pieds et de ceinture, jusqu’au sang, enfermée dans une pièce aveugle, attachée au tuyau du chauffage, laissée là des heures, sans manger ni boire, à n’avoir d’autre choix que de s’uriner dessus et de gauger dans ses propres excréments jusqu’à la délivrance paternelle.

Cette scène et tant d’autres dans ce récit bouleversant, font froid dans le dos.

Ce qui choque, plus que tout, qui remue au plus profond des entrailles, c’est la lâcheté. La lâcheté d’un père qui pense voir sa femme, très probablement bipolaire, « guérir » et mettre fin d’elle-même à ces pratiques innommables. La lâcheté d’une famille qui sait, mais ne fait presque rien. Seuls sortent du lot la tante Jenny, dite « l’Anglaise » et son mari Léo. Léo l’oncle adoré de Carmen, celui qui lui offrira quelques-unes des plus belles échappatoires à son enfance volée qui, à la chambre noire, opposera la chambre rouge…

Bernadette Richard emploie une plume au style très épuré, descriptif, sobre. Un style qui tranche avec l’horreur du vécu marque la distance. Une distance qui rend les faits encore plus glaçants. Un témoignage nécessaire. Prévoyez les mouchoirs, vous en aurez sûrement besoin.

Résumé

La chambre noire condense, en une seule histoire, les dérives de trois familles, et dépeint le parcours de vie exemplaire d'une petite fille mal aimée et battue, qui réussit à se ménager quelques échappées de bonheur et à cultiver une ouverture vers le monde grâce à ses lectures ; une expérience de la résistance qui fait de beau récit un modèle de résilience. Arc jurassien, années 1950-1960. Le milieu ouvrier souffre. Les femmes n'ont pas encore la pilule, elles croulent sous les grossesses souvent non désirées et le travail ménager. Pour nouer les deux bouts, certaines s'engagent dans l'horlogerie qui a le vent en poupe. Mais le radium les empoisonne à petit feu. Les hommes ont deux boulots, ils rêvent de voiture et de vacances à la mer. Les hivers sont durs, très froids, la neige atteint souvent plusieurs mètres. Beaucoup de ménages se chauffent au bois et les lessives sont encore faites à la main une fois par mois. Dans ce décor austère, une petite fille maltraitée par une mère dépressive tente de lutter pour sa survie, tant physique que mentale. C'est en tant qu'adulte qu'elle se remémore les scènes traumatisantes auxquelles elle a été confrontée. Elle raconte aussi les moments de bonheur dans sa nuit quotidienne, qui l'ont aidée à résister à la folie maternelle.

Auteur :
Richard, Bernadette, Auteur du texte
Éditeur :
Favre,
Langue:
français.
Pays:
Suisse.
ISBN:
9782828921019.