Mandragore Fischli Bernard

Superbe découverte que ce roman de la rentrée paru chez Hélice Hélas. Vous aimez la science-fiction ? Les récits dystopiques ? Avec Mandragore, Bernard Fischli livre un récit captivant qu’on a peine à imaginer achevé une fois la dernière page tournée.

On a aimé tellement d’aspects de ce roman, qu’on aurait peine à être exhaustif dans ce coup de cœur. Le choix du héros tout d’abord, Jon, pour le moins atypique. On ne suit pas un citoyen lambda, mais un « bondieusard » comme le qualifiera Tim, autre personnage-phare du récit.

Jon est un des 12 milliards d’être humains qui peuplent Terra, planète devenue quasiment invivable où les gens se nourrissent de produits synthétiques, ne connaissent plus la nature et vivent dans des villes géantes où règnent les gangs et les consortiums d’entreprises et de médias. Il est aussi et, surtout, croyant, dans une société ou la religion est devenue interdite et où l’athéisme est la norme depuis près d’un siècle.

Repéré par l’Église, il est envoyé comme missionnaire sur Mandragore pour retrouver la trace du père Étienne, fervent croyant, dans l’idée de faire subsister Dieu et la foi aux confins de l’Univers, alors que l’Humanité se perd elle-même.

Rien qu’en cela, Mandragore est un récit passionnant, puisqu’il n’a de cesse de développer en toile de fond, cette question fondamentale : quelle place ont ou peuvent avoir la spiritualité et la foi dans une société gouvernée par la technologie et l’intelligence artificielle ?

Quand il arrive sur Mandragore, Jon découvre un monde où l’humain, tout à son ethnocentrisme, reproduit les mêmes erreurs que sur Terra tout à sa volonté de terraformer une planète qui avant son arrivée dix ans plus tôt, avait plusieurs milliards d’années à son actif.

Le décor planté par Fischli est absolument fascinant tant il met en exergue les travers de l’espèce. On se croirait débarquer dans un nouveau Far West où le chemin de fer est en construction, les habitations disparates, mais la volonté d’expansion, d’emprise sur le territoire, toujours identique, le tout avec, cette fois, l’armée aux commandes du système, du moins, le croit-on…

Sur une planète qui ne connaît aucune vie animale et une curieuse vie végétale sans feuilles ni fleurs, Jon va se mettre en quête d’Étienne, croyant, mais aussi ingénieur informaticien de génie, jusqu’aux confins des terres explorées par les colons. Sur son chemin, il croisera la route de Tim, une biologiste qu’il trouvera en bien mauvaise posture. Avec elle et Max, un militaire déserteur, ils tenteront de lever le voile sur ce qu’il est advenu d’Étienne, premier missionnaire envoyé sur la planète cinq ans avant Jon.

Un roman de science-fiction qui cite des passages de la Bible ou de Pascal (qu’on a reconnu, mais qui n’est pas explicitement nommé, on vous laisse le soin de retrouver ses mots), on applaudit le mélange des genres et les réflexions qui en découlent. C’est brillant et intelligent, de la science-fiction comme on en redemande sans modération !